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Jour 3 - Şeymus Diken, la voix de Diyarbakir

 
 

 

14 jours à Diyarbakir - 14 photos d'Amed - 14 textes sur Tigranakert

Envoyé spécial de "Repair", MJM, journaliste français d'origine arménienne, a passé deux semaines dans l'actuelle capitale du sud-est anatolien, à Diyarbakir (Amed en kurde et Tigranakert en arménien) pour partir à la rencontre du passé, du présent et du futur des Arméniens qui étaient des milliers à peupler cette ville avant le Génocide de 1915. Au fur et à mesure de ses pérégrinations, MJM nous fait partager ses rencontres avec des lieux, des femmes, et des hommes dont l’histoire est liée, d’une façon ou d’une autre, avec les Arméniens.

Ce photoreportage date de mai 2013, certaines situations évoquées dans ces articles ont évoluées depuis.

 

Jour 3 - Şeymus Diken, la voix de Diyarbakir

Qu’on le veuille ou non, l’histoire des Arméniens de Diyarbakir et sa région est aujourd’hui entre les mains des Kurdes. Ceux-ci sont devenus, malgré eux, les gardiens de la mémoire des gavurs* déportés vers les camps d'extermination de Rasalayn puis au désert du Deir ez-Zor en 1915 ou exilés depuis des décennies, loin d’ici. Chaque Kurde rencontré ici a une petite ou grande histoire à raconter à propos des Arméniens. Un tel vous dira qu’il se souvient de son ami d’enfance qui lui offrait des œufs lors des fêtes de Pâques, un autre vous expliquera que les Arméniens étaient ceux qui travaillaient le fer ou les métaux précieux comme personne d’autre ou que telle Arménienne cuisinait comme une déesse. Ces bribes de mémoire souvent altérées par le temps et qui pourraient paraître extrêmement futiles n’en sont pas moins des traces importantes d’un temps révolu et dont le souvenir flotte à jamais dans les limbes de l’histoire.

Şeymus Diken, écrivain, est peut être celui qui représente le mieux cette voix de Diyarbakir et de son passé. Auteur de nombreux livres sur sa ville natale, il puise dans ses souvenirs pour faire revivre l’âge d’or d’Amed, quand Kurdes, Arméniens, Assyriens, Juifs,… vivaient encore ensemble dans une relative harmonie. « Cette ville n’était ni monolingue, ni mono religieuse, ni mono identitaire, elle appartenait autant aux Arméniens qu’aux Kurdes ou aux Assyriens » déclare l’écrivain. « Et même si certains peuples ont été éliminés après les grandes injustices du passé, ce qu’ils ont vécu, les lieux où ils ont demeuré et leurs souvenirs existent encore et on en parle toujours » assure ce signataire de la pétition d’excuses des intellectuels turcs auprès des Arméniens. Lors de mon entretien avec lui, nous aborderons une question importante qui revient sans cesse dans mes discussions avec les Kurdes de la région et d’ailleurs : à savoir, l’énorme perte qu’a été la disparition puis la fuite des Arméniens et plus largement des chrétiens de la région. « La ville s’est appauvrie économiquement, mais aussi culturellement, intellectuellement et politiquement ; elle s’est uniformisée » résume cruellement Şeymus Diken en ajoutant une précision des plus importantes : « La population de Diyarbakir est tout à fait consciente de cela ».

*infidèles



Journaliste et photographe freelance de 30 ans, MJM a travaillé pour divers journaux et magazines. Depuis quelques années, il développe également son regard à travers des reportages photo pour l’ONG "Yerkir Europe" en Arménie et en Turquie. Un aperçu de son travail est visible sur son site Internet, www.mjm-wordsandpics.com.

 

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